La suite du début :
Moinillons dissipés au monastère de Thiksey
(...)
Bientôt ne reste plus que le silence.
Ses yeux refusent de lui obéir et restent fermés. Une sensation de froid le gagne, suivie de celle d’une interminable chute. A-t-il crié ? Les yeux toujours clos, une silhouette capuchonnée apparaît et s’approche dans un brouillard fantasmagorique. Le silence est oppressant. Il peine à respirer. Tout est sombre autour. La silhouette en noir est maintenant en face de lui. Un visage aux yeux enfoncés le fixe. Lui sourit. Elle l’invite à le suivre. Richard se sent tomber une deuxième fois, emporté dans ce regard irrésistiblement attirant.
Il n’a plus peur. Il se sent en confiance, en paix.
Il flotte maintenant, comme désincarné.
Son cœur et son diaphragme s’immobilisent. Son souffle s’arrête. Le silence est partout, même en lui. Seules restent actives les connexions neuronales qu’il voit s’allumer à mesure que les informations se transmettent de synapse en synapse pour parvenir à son cerveau.
« Dans l’Outremonde, la vie et la mort se croisent afin que les âmes se réincarnent… »
La voix résonne à l’intérieur de lui. Elle fait partie de lui. Il ne respire plus. Son cœur ne bât plus. Il n’est plus qu’une âme parmi toutes celles qui volent autour de lui. Perdu ? Non, il sent la paix qu’il a toujours cherchée sans réussir à l’atteindre.
« Je suis mort ? »
« Non. »
« Qui êtes-vous ? »
« Je suis le Gardien. Je suis celui qui prend. Celui qui donne. À toi, je prends, à toi je donne. Fais-en bon usage. »
« Je ne comprends pas ! Que dites-vous ? »
« Prépare-toi Richard… »
Tout s’arrête, Richard se sent ramené brutalement dans la salle de cérémonie. Il peut à nouveau ouvrir les yeux. Il essaie de reprendre son souffle, mais son ciel est plein de visages ronds qui le regardent et l’empêchent de respirer. Son cœur bât la chamade et il vomit en se penchant devant lui, sans réussir à se retenir. Le ciel s’éclaircit tandis que des murmures de dégoût, mais aussi de soulagement se font entendre. Que s’est-il passé ?
Enfin ! Vous allez bien ?
Richard se tourne vers la voix, celle d’une femme aux cheveux blonds et aux yeux clairs qui l’observe avec inquiétude. Elle reprend :
— Vous parlez français ?
— Oui, je suis désolé…
Richard palpe les poches de sa veste pour essayer d’y trouver de quoi s’essuyer. Vainement. Une odeur écœurante de bile monte dans la pièce, mais les tapis de prière sont saufs. Des moines et des moinillons le contemplent, debout autour de la femme.
— Est-ce que vous avez un mouchoir ?
Elle fouille sans son sac à dos et lui en tend plusieurs qu’il passe sur son visage avant de les poser sur la flaque de vomi pour essayer d’en masquer l’odeur.
— Merci, qu’est-ce qui s’est passé ?
— Vous êtes tombé dans les pommes… Vous êtes sûr que ça va ?
— Je pense… Je ne sais pas.
Il fait un signe rassurant de la main aux moines qui l’observent. Richard est confus. Il a interrompu la puja et sali le parquet. Une crampe violente le saisit alors qu’il se relève et le plie en deux. Il doit se rasseoir. Il faut absolument qu’il regagne son hôtel pour prendre quelque chose.
L’homme occidental s’avance alors :
— Notre taxi est dehors, est-ce que vous voulez venir avec nous ?
— Le mien aussi, il y a quelque chose que j’ai mangé qui ne passe pas. Je suis désolé.
L’homme aide Richard à se relever, sa tête tourne d’abord. Il reprend ensuite suffisamment d’assurance pour faire quelques pas. L’un des moines l’accompagne, les moinillons criant et riant dans son dos.
La cérémonie a l’air bien finie. S’il a retrouvé le désordre attendu, il ne pensait pas qu’il en serait à l’origine !
Dans le taxi qui le ramène à son hôtel, Richard ne peut s’empêcher de repenser à la scène qu’il a vécue pendant son malaise. Elle semblait si réelle. Que pouvait bien vouloir dire l’homme en noir ?
(...)
Frustrés que ça s'arrête ?
Chouette ^^